Camptotylus linae, Miridae mystère !

Camptotylus linae – Chamarande (91) © Michel Diomard

J’ai invité quelques connaissances, membres de l’Association des Naturalistes Parisiens, à partager avec moi une matinée de prospection hivernale au parc du peuple de l’herbe. Sous un soleil radieux, nous scrutons la rambarde du grand ponton le long de la Seine en crue à la recherche d’insectes et d’araignées. Michel trouve une jolie chrysomèle des milieux humides, Phyllotreta ochripes. Un peu plus loin en fauchant une touffe d’orties, je découvre un charançon inféodé à cette plante, Parethelcus pollinarius. Deux nouvelles espèces pour l’inventaire du parc, le contrat est rempli ! Avant de nous quitter, Michel me confie la photo d’une punaise Miridae dont la détermination lui résiste.

La folle histoire de la Miridae mystère !

A vrai dire, sa punaise au look étonnant me met également en échec, cette Miridae est une extra-terrestre ! Interrogé, Lucien me donne la piste d’une sous-famille plausible, celle des Phylinae.

Je passe alors en revue plusieurs galeries de photos et je repère le genre Camptotylus dont les membres présentent cette macule noire sur les ailes. Je déniche sur internet une providentielle clé des Camptotylus (voir ci-dessous dans la première source) qui m’amène avec certitude à l’espèce Camptotylus linae.

Michel me précise qu’il a trouvé la Miridae mystère en juillet 2023 dans une ballote noire, sur le quai de la gare de Chamarande, dans l’Essonne. Là, les choses se compliquent, Camptotylus linae est une espèce orientale inféodée aux tamaris ! L’observation la plus occidentale serait un individu trouvé en Turquie en 2019. Mais quid du tamaris ?

Je navigue virtuellement avec l’application Street View dans le secteur de la gare de Chamarande. Dans le jardin d’un pavillon tout près du quai, devinez ce que je trouve : un tamaris !

Cette observation serait une première pour cette espèce en Europe. Je note dans mon agenda d’aller impérativement secouer au mois de juillet prochain un certain nombre de tamaris de mon quartier !

Retrouvez une autre Miridae des tamaris :

Tuponia hippophaes

Chamarande, ce nom me disait quelque chose, j’y suis déjà allé : une sacrée visite !

Au Domaine départemental de Chamarande

Sources :

Fedor V. Konstantinov « Review of the genus Camptotylus Fieber, 1860 (Heteroptera: Miridae) with description of two new species, » American Museum Novitates 2008(3606), 1-23, (9 April 2008).

Camptotylus linae – iNaturalist

Pinalitus cervinus

Pinalitus cervinus – Vouillé (79) © Gilles Carcassès

Cette petite Miridae (4mm) aux élytres velus est descendue dans mon bac au battage d’un lierre en fleur le long d’un mur. Il s’agit de l’une des formes d’une espèce très commune et d’aspect variable : Pinalitus cervinus. Phytophage, cette punaise se nourrissant sur les bourgeons, les fleurs, les jeunes fruits. On la rencontre souvent sur le tilleul, le noisetier, le frêne et le lierre. Les adultes peuvent être observés toute l’année.

Retrouvez une autre Miridae des arbres :

Malacocoris chlorizans

Source :

Atlas des Miridae de Belgique (Insecta : Heteroptera) – Berend Aukema, Frédéric Chérot,
Gaby Viskens & Jos Bruers

Dicyphus globulifer

Dicyphus globulifer – parc du peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy © Gilles Carcassès

Ces compagnons blancs au bord du chemin hébergent-ils quelque insecte intéressant ? Voici une petite punaise Miridae posé sur une de ces fleurs. Elle a sorti son rostre. Ses antennes noires et ses tibias sans taches m’orientent vers Dicyphus globulifer qui justement vit sur les silènes. Les Dicyphus sont nombreux et c’est un genre dont les espèces sont difficiles à déterminer. Quelques-unes font exception, dont celle-ci. Il faut dire que la connaissance de la plante hôte aide bien à lever des doutes.

Dicyphus globulifer compte une seule génération par an, les adultes passent l’hiver.

Retrouvez un autre Miridae :

Orthops campestris

Macrotylus paykullii

Macrotylus paykullii – parc du peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy © Lucien Claivaz

Décidément, la bugrane rampante recèle des trésors ! Voici une petite punaise Miridae (4mm) inféodée aux Ononis : Macrotylus paykullii.

Macrotylus paykullii – parc du peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy © Gilles Carcassès

On reconnaît cette espèce aux paquets de poils noirs sur les hémélytres ainsi qu’aux antennes et aux tibias, tous deux marqués de sombre à leur base.

Retrouvez un autre habitant de la bugrane :

Gampsocoris punctipes

Une autre Miridae verte :

Macrolophus pygmaeus

Source :

Hétéroptères Miridae par E. Wagner et H. H. Weber – Faune de France

Orthops campestris

Orthops campestris – Brennilis (29) © Gilles Carcassès

C’est une punaise de la famille des Miridae qui porte sur son dos le masque grimaçant de la photo mystère. Son scutellum vert vif et uni permet de reconnaître Orthops campestris qui vit dans les ombelles des Apiaceae.

Mermitelocerus schmidtii – Cergy (95) © Gilles Carcassès

On reconnaît les Miridae à la présence d’un cuneus, pièce triangulaire à l’extrémité de la corie (partie coriace de l’hémélytre).

Retrouvez d’autres Miridae :

Liocoris tripustulatus

Horistus orientalis

Malacocoris chlorizans

Malacocoris chlorizans – Saint-Germain-en-Laye © Gilles Carcassès

Cette punaise Miridae de 4mm manquait à ma collection. J’ai lu qu’on pouvait la trouver dans les noisetiers, alors j’en ai inspecté quelques-uns et j’ai fini par la trouver.

Malacocoris chlorizans – parc du peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy © Gilles Carcassès

Malacocoris chlorizans est assez pâlotte, elle présente de curieuses taches vertes et un discret motif noir orne la base de ses antennes. Cette punaise prédatrice arboricole se nourrit de pucerons et d’acariens.

Retrouvez un autre insecte des noisetiers :

Colocasia coryli

Mon inventaire éclair 2023

150 naturalistes amateurs et professionnels se sont retrouvés les 10 et 11 juin 2023 à Saint-Hilarion à l’invitation de l’Agence Régionale de Biodiversité d’Ile-de-France pour les 11èmes Inventaires éclairs. Un rendez-vous à ne pas manquer : j’y étais bien sûr ! Les buffets, l’organisation, la bonne humeur, tout était parfait, comme d’habitude. Ce fut l’occasion pour moi de faire de belles rencontres.

Dichrooscytus intermedius – Saint-Hilarion © Gilles Carcassès

Le jardin de la salle des fêtes, transformé pour l’occasion en terrain de camping improvisé, est ombragé de grands conifères. Je jette mon dévolu sur un Picea pungens, communément nommé « sapin bleu ». J’enjambe précautionneusement les ficelles d’une tente pour atteindre un belle branche basse bien garnie qui me tente bien. De la main gauche je glisse dessous mon bac blanc, de la main droite je la secoue de deux coups de baguette, et avec le reste de mon corps je maintiens comme je peux un équilibre instable. Je récolte cette punaise Miridae au look inédit ! Lucien va m’aider à la déterminer, il trouve la clé adéquate. Son diagnostic conforte la proposition de l’application iNaturlist, il s’agit de Dichrooscytus intermedius, une espèce qui vit sur de nombreux genres de conifères, comme les épicéas et les sapins. Particulièrement présente en Europe centrale et en Scandinavie, elle a fait l’objet de quelques signalements dans le nord de la France. Cette observation est une première pour l’ile-de-France.

Chryptocephalus moraei – Saint-Hilarion © Gilles Carcassès

La chrysomèle Cryptocephalus moraei, alias la Cagoule noire, fréquente surtout le millepertuis perforé (Hypericum perforatum), plante commune dans les friches sèches. Je la rencontre ici dans un jardin public sur le bouton floral d’un millepertuis ornemental.

Penthimia nigra – Saint-Hilarion © Gilles Carcassès

Cette belle cicadelle noire aux yeux rouges est commune dans les lisières forestières. Penthimia nigra vit sur les chênes, les peupliers, les robiniers…

Cantharis lateralis – mare, route de Fosseuil à Saint-Hilarion © Gilles Carcassès

Cantharis lateralis, le Téléphore rose, est un habitué des bords de mares et d’étangs. On l’observe souvent sur les ombelles des Apiaceae. Ce coléoptère se distingue par la bordure crème de ses élytres.

Globiceps shpaegiformis – Saint-Hilarion © Gilles Carcassès

Une haie taillée de charmes au bord de la route me donne tard dans la nuit, sous une petite averse, cet hétéroptère Miridae à la tête étonnamment globuleuse. Il s’agit de Globiceps sphaegiformis. Cette punaise est prédatrice d’autres insectes. On peut la trouver sur de nombreux arbres et arbustes, dont le charme et le noisetier. Apparemment, c’est une espèce assez rare.

Retrouvez mon reportage sur les Inventaires éclairs 2022 :

Mon inventaire éclair 2022

Dryophilocoris flavoquadrimaculatus

Dryophilocoris flavoquadrimaculatus – parc du peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy © Gilles Carcassès

Je cherche dans les aubépines du chemin de halage la chenille verte à bandes brunes du Geometridae Acrobasis advenella, inféodée à cet arbre. Elle est facile à reconnaître, et cela me ferait à bon compte une nouvelle espèce pour l’inventaire du parc du peuple de l’herbe.

L’aubépine m’offrira une autre nouveauté, cette superbe punaise Miridae. Son nom à rallonge Dryophilocoris flavoquadrimaculatus pourrait se traduire par « punaise qui vit dans la forêt et dont les ailes sont ornées de quatre taches jaunes ». Finalement, c’est plus court en latin. On la prétend inféodée aux chênes mais je n’en vois aucun aux alentours. Cette espèce cependant vole très bien. Celle-ci était peut-être venue d’assez loin se régaler du pollen de ces fleurs d’aubépine.

Retrouvez une autre Miridae :

Liocoris tripustulatus

Agnocoris reclairiei

Agnocoris reclairei – Parc du peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy © Gilles Carcassès

Parmi les Miridae, le genre Agnocoris se distingue par ses antennes courtes. Le deuxième article, notamment, n’est pas plus grand que la largeur de la tête. Agnocoris reclairei, espèce assez rare, a une silhouette allongée, les hémélytres poilus et la membrane sombre. Ses fémurs postérieurs sont ornés d’un double anneau marron. Cette punaise vit sur les saules, parfois sur les peupliers. J’ai fait sa connaissance en juin 2022 sur une branche de saule blanc.

Agnocoris reclairei – Parc du peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy © Gilles Carcassès

Les adultes hivernent dans la litière ou parmi les feuilles de végétaux persistants. Je retrouve cette espèce par une froide nuit de janvier en secouant une branche de ronce encore feuillée au bord du chemin de halage.

Retrouvez une autre Miridae :

Horistus orientalis

Sources :

HÉTÉROPTÈRES MIRIDAE, PAR E. WAGNER et H. H. WEBER

Agnocoris reclairei, par British Bugs

Tuponia hippophaes

Tuponia hippophaes – Poissy © Gilles Carcassès

Voyez-vous l’insecte minuscule sur ce rameau de tamaris ? Est-ce un puceron, un psylle, une cicadelle ?

Tuponia hippophaes – Poissy © Gilles Carcassès

J’approche mon objectif de l’insecte, mais sa taille de 1.8 mm constitue un réel défi pour mon appareil photo qui atteint là ses limites.

A ses antennes, je reconnais une punaise ! Et c’est même un Miridae en raison de la présence d’un cuneus, pièce triangulaire rigide qui prolonge la corie sur chaque hémélytre. L’animal est assez poilu, ses tibias postérieurs sont armés de fortes épines noires et son rostre à pointe sombre est de bonne taille.

Après quelques recherches, je cerne le genre Tuponia, qui compte parmi les plus petites espèces de Miridae. Les Tuponia sont spécialisés sur les plantes de la famille des Tamaricaceae, dont ils sucent la sève. Deux de quatre espèces présentes en France sont vertes, on peut les distinguer facilement par la longueur de leur rostre. Le rostre de Tuponia brevirostris atteint les hanches de la première paire de pattes, alors que celui de Tuponia hippophaes atteint les hanches de la troisième paire de pattes. Le passage sous binoculaire va nous aider à trancher.

Tuponia hippophaes – Poissy © Lucien Claivaz

A l’évidence, ici, c’est l’espèce Tuponia hippophaes. C’est une première mention pour l’Ile-de-France. J’imagine cependant que cette espèce n’est pas rare sur les tamaris de nos jardins et qu’il suffirait de la chercher un peu pour la trouver.

Retrouvez d’autres Miridae :

Horistus orientalis

Macrolophus pygmaeus

Capyloneura virgula

Source :

Tuponia hippophaes dans la base de données GBIF