Un tigre en hiver

Tingis auriculata – Thiverval-Grignon © Gilles Carcassès

Que deviennent les tigres en hiver ? En d’autres termes, quelle est la forme hivernante de ces petites punaises : œuf, juvénile ou adulte ? Les galeries des forums d’entomologie me donnent peu d’informations, ces insectes sont presque toujours observés en été sur leur plante hôte.

Pour celui-ci au moins, je sais : on peut trouver Tingis auriculata adulte, caché en situation abritée, en plein hiver. Je l’ai observé dans un square au pied d’un mur recouvert de lierre. Un tigre à quelques mètres d’une aire de jeux pour enfants, que fait la mairie ?

Il semble bien que chez de nombreuses espèces de Tingidae, les adultes hivernent dans la litière près de leur plante hôte ou sous une écorce décollée. Il m’est d’ailleurs arrivé de rencontrer un tigre de la vipérine au mois d’octobre en recherchant des araignées sous l’écorce d’un orme mort.

Tingis auriculata – Thiverval-Grignon © Gilles Carcassès

Pas beau, mon tigre ?

Ne dirait-on pas un monstre préhistorique avec ces carènes dorsales et ces trois cornes pointues sur la tête ?

Retrouvez un autre Tingis :

Tingis pilosa

Source :

Nouveau gîte pour l’hibernation de Tingis pyri, de S. Bonnamour et C. Gautier (1927)

Quelques tigres

La famille des Tingidae (ou tigres) rassemble des hétéroptères de forme aplatie et souvent ornés d’expansions. Leurs ailes ont un aspect cellulaire, on les croirait faites de dentelles.

Les tigres sont souvent inféodés à une famille ou à un genre de plante, parfois à une seule espèce. Voici une petite galerie de portraits. J’ai indiqué en légende le nom de l’espèce et ses plantes hôtes préférées.

Vous pouvez en cliquant sur les images agrandir les photos et les faire défiler.

Si vous voulez retrouver les articles qui présentent ces espèces, il vous suffit de cliquer sur les liens suivants :

Tingis pilosa, Tngis crispata, Tingis auriculata

Tingis cardui, Dictyla humili, Dictyla echi

Monosteira unicostata, Corythucha arcuata, Corythucha ciliata

Stephanitis pyri, Physatocheila dumetorum, Kalama tricornis

Copium clavicorne, Galeatus maculatus

Corythucha arcuata, la Punaise réticulée du chêne

Ponte de Corythucha arcuata – Castres (81) © Gilles Carcassès

Le dessous d’une feuille de chêne au parc de Gourjade présente des plages pointillées de noir. Je réalise dans l’écran de mon appareil photo que ce sont des œufs dressés, fixés par leur base à l’épiderme de la feuille. Ils ont une forme en fuseau et sont operculés à leur sommet.

Corythucha arcuata – Castres (81) © Gilles Carcassès

Un peu plus loin, je découvre quelques larves environnées de leur déjections noires. Cet aspect me rappelle fortement les dégâts du tigre du poirier, Stephanitis pyri. Il y aurait donc des tigres sur les chênes maintenant ?

Corythucha arcuata – Castres (81) © Gilles Carcassès

Voici un adulte. C’est bien un tigre ! Une recherche rapide me fournit l’explication : Corythucha arcuata, espèce invasive d’origine nord-américaine est arrivée en France en 2017 dans la région de Toulouse. Elle est désormais présente dans tout le quart sud-ouest de la France ainsi que dans la région lyonnaise.

Corythucha arcuata – Castres (81) © Gilles Carcassès

Corythucha arcuata vit sur les chênes et il semble s’être très bien adapté à de nombreuses espèces européennes du genre Quercus, mais il n’attaque apparemment pas le chêne vert.

Retrouvez un autre Corythucha :

Corythucha ciliata

Source :

Punaise réticulée du chêne, par e-phytia

Tingis pilosa

Tingis pilosa – Saint-Germain-de-Modéon (21) © Gilles Carcassès

A la recherche de la somptueuse Chrysolina fastuosa sur des pieds de Galeopsis tetrahit dans une coupe forestière, je tombe sur ce Tingidae de 4mm. Il y aurait donc aussi des tigres sur les Lamiaceae ? C’est le cas de Tingis pilosa, ainsi nommé parce qu’il est garni de poils. On les devine sur cette photo.

On peut rencontrer Tingis pilosa sur Leonurus cardiaca, Stachys sylvatica, Ballota nigra, Galeopsis tetrahit et d’autres Lamiaceae.

Retrouvez un autre tigre vu en forêt :

Tingis crispata

Tingis auriculata

Tingis auriculata – parc du peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy © Gilles Carcassès

A l’aide de mon bac et de ma baguette, je recueille la petite faune d’un bas-côté herbeux. Je suis étonné de trouver un tigre parmi les pucerons. Celui-ci est de l’espèce Tingis auriculata, identifiable à la concavité du bord latéral du pronotum.

Cet hétéroptère de la famille des Tingidae est souvent vu sur les carottes sauvages mais en fait il serait assez polyphage, d’ailleurs l’espèce n’est pas vraiment rare. Sa petite taille (3mm) et son camouflage le rendent cependant très discret. C’est pour moi une première rencontre.

Retrouvez un autre tigre :

Physatocheila dumetorum

Tingis crispata

Tingis crispata – La Roche-Guyon © Gilles Carcassès

Au bord de l’allée forestière, parmi les ronces et les épiaires des bois, j’aperçois une grosse touffe d’armoise. Que vais-je trouver sous les feuilles de cette armoise, à part des pucerons et des fourmis, au demeurant espèces très intéressantes, mais bien difficiles à déterminer. Je tombe sur cette indolente bestiole d’apparence laineuse, avec une silhouette de tigre. Ce Tingidae serait-il attaqué par un champignon ? Pas du tout, c’est un tigre qui ne vit que sur les armoises ! Ces plantes ont le dessous des feuilles blanchâtres. L’aspect de Tingis crispata lui permet sans doute de se camoufler sur sa plante hôte.

Tingis crispata – parc du peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy © Gilles Carcassès

J’ai retrouvé assez facilement cette espèce au parc du peuple de l’herbe en secouant quelques armoises au bord de la Seine.

Retrouvez un autre Tingis :

Tingis cardui

Dictyla echii

Dictyla echii – parc du peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy © Gilles Carcassès

Un tigre à tête noire et col clair, trouvé sur une vipérine, qu’est-ce que ça peut être ? Le tigre de la vipérine, pardi !

Dictyla echii – parc du peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy © Gilles Carcassès

Dictyla echii vit sur les Boraginaceae : vipérines surtout mais aussi cynoglosses, consoudes, buglosses… On trouve les adultes et les larves de cette espèce en inspectant le dessous des feuilles de leurs plantes hôtes.

Retrouvez un autre Dictyla :

Dictyla humili

Dictyla humuli

Dictyla humuli – Poissy © Gilles Carcassès

Flûte, il se met à pleuvoir ! Sur le chemin du retour, je ne résiste pas à l’idée de secouer les feuilles d’une grosse touffe de consoude au bord du chemin de Poncy. Je récolte de l’eau de pluie, quelques pucerons et… un tigre tout mouillé !

Cet insecte suceur de sève ne vit que sur les consoudes, ou parfois sur les pulmonaires. Dictyla humuli vient agrandir ma collection photographique de tigres, ces adorables petites punaises en dentelles. Cette espèce est bien peu observée en Ile-de-France.

Retrouvez d’autres Tingidae :

Copium claviforme

Stephanitis pyri

Corytucha ciliata

Source :

Hémiptères Tingidae euro-méditerranéens, par Jean Péricart

Physatocheila dumetorum

Physatocheila dumetorum – Guiry-en-Vexin (95) © Gilles Carcassès

En secouant des branches fleuries d’un Prunus malaheb (le cerisier de Sainte-Lucie) au bord d’une clairière dans le bois de Morval, je récupère cette petite punaise. A sa silhouette et sa façon de tenir ses antennes, je présume que c’est un Tingidae. Je le dépose sur une feuille de noisetier pour la séance photos. C’est bien un tigre, et même d’une espèce que je n’ai encore jamais rencontrée. Il s’agit de Physatocheila dumetorum qui vit sur les Rosaceae arbustives. Il est souvent vu sur des aubépines. C’est une première observation pour l’Ile-de-France.

Retrouvez d’autres Tingidae :

Kalama tricornis

Le tigre du platane

Kalama tricornis

Kalama tricornis – parc du peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy © Gilles Carcassès

Lucien, qui est fort et motivé, soulève une lourde pierre sur le berge de la Seine, en quête de fourmis. Il saisit prestement une petite bête et me lance : « j’ai trouvé un tigre ! ». Un Tingidae dans une fourmilière, voilà qui est original. Nous l’examinons à la loupe. L’application Obsidentify me propose Kalama tricornis. Effectivement, c’est bien cette espèce. Elle est souvent trouvée dans les fourmilières mais aussi au sol parmi les mousses ou sous des pierres. Ses relations avec les fourmis ne sont pas élucidées. Notons que les premiers stades larvaires n’ont jamais été observés. On ne sait pas non plus de quelles plantes elle se nourrit.

En Ile-de-France, on peut rencontrer 14 espèces de Tingidae.

Retrouvez d’autres colocataires des fourmis :

Les compagnons des fourmis

D’autres Tingidae :

Copium clavicorne

Le tigre du poirier

Source :

Hémiptères Tingidae Euro-méditerranéens, de Jean Péricart