Je longe le bras des Morteaux dans l’idée de récolter un petit panier de fleurs de robinier que je compte cuisiner en beignets. Las, c’est bien trop tôt, les grappes sont à peine formées !
De ci de là, je photographie quelques bestioles. Ce petit papillon (4 mm) est tombé d’un rameau d’érable négundo. Avec cette robe en lamé d’or rose et d’argent et cette audacieuse toque noire sur la tête, je lui trouve un chic fou. Suivant mon intuition, je cherche ce papillon de nuit dans la famille des Gracillariidae. Une espèce lui correspond tout à fait : Phyllonorycter schreberella, sa chenille mine les feuilles des ormes. Mon érable négundo est entouré d’ormes, il vient de ces arbres assurément. Le bout des antennes blanc n’est pas un artefact, c’est une caractéristique de cette espèce.
Ce papillon vole en avril et en mai, et pour la génération estivale en août et en septembre.
Cette observation de Phyllonorycter schreberella est une première pour la base de données naturalistes régionale. Je ne reviens pas bredouille de ma sortie !
Un rayon de soleil, et ils sont là par dizaines à se pavaner sur les jeunes feuilles de marronnier ! Trouveront-ils tous l’amour ?
Ces minuscules papillons, Cameraria ohridella, sont inféodés au marronnier d’Inde. Leurs chenilles minent les feuilles de cet arbre, occasionnant de larges cloques blanchâtres puis brunes particulièrement disgracieuses. Plusieurs générations peuvent se succéder dans l’année.
Je secoue quelques rameaux d’un lierre grimpant sur le tronc d’un micocoulier de Provence. Ce petit papillon de nuit s’est posé au fond de mon bac. Il me faut une photo de profil pour l’identifier mais l’animal est nerveux, il volète en tous sens. Je lui fais de l’ombre avec ma main pour le calmer.
Ma vue de profil, prise juste avant son envol définitif, n’est pas des plus réussies mais elle montre le dessin des ailes et les longues écailles marron qui garnissent les tibias médians. Pas de doute, c’est Caloptilia fidella, un Gracillariidae dont les chenilles sont connues pour miner les feuilles des houblons. Cette espèce mine à l’occasion les feuilles des micocouliers qui appartiennent aussi à la famille des Cannabaceae.
Ce papillon que l’on voit d’habitude en été me paraît bigrement en avance, même pour la Côte d’Azur. Il n’y a plus de saisons !
Caloptilia fidella a déjà été vu une fois en Ile-de-France en fond de vallée dans une zone naturelle, donc en lien avec du houblon. Je connais des sites au bord de la Seine où le houblon est particulièrement abondant. J’irai en septembre à la recherche des mines de ce Caloptilia pour tenter un élevage et faire de meilleures photos.
En passant dans les rosettes de vipérines, je fais voler de tout petits papillons qui se reposent bien vite sur leur plante hôte. Il s’agit de Dialectica scalariella, un Gracillariidae inféodé aux Boraginaceae et qui est très fréquent sur les vipérines.
En voici un dressé sur ses pattes avant. Il agite sans cesse ses antennes, c’est probablement un comportement de recherche de partenaire.
Je trouve sans peine une mine encore habitée par sa chenille sur la face supérieure d’une feuille. J’ai retiré le toit de la mine pour vous la montrer. Les petits grains noirs au centre de la mine sont les excréments de la chenille. Certains pieds de vipérine sont tellement colonisés par cet insecte que leurs feuilles en sont toutes crispées.
Ce papillon a été introduit en Australie pour contrôler Echium plantagineum, un vipérine méditerranéenne invasive sur ce continent.
Je vois souvent des feuilles présentant des mines blanchâtres, sur les chênes, les noisetiers ou les châtaigniers, mais sur un tilleul, ce n’est vraiment pas banal ! Aussi, j’entreprends l’élevage de l’insecte responsable de la mine en prélevant la feuille et en la plaçant dans un bocal aéré, en espérant une émergence.
C’est un papillon de 3mm qui est sorti de la mine au douzième jour. Il a un look de Gracillariidae. J’interroge donc la base de données mondiale qui fait référence pour cette famille. Sur les tilleuls, en Europe, trois espèces seulement sont répertoriées : Telamoptilia tilliae, Phyllonorycter messaniella et Phyllonorycter issikii.
Les deux premières espèces sont visuellement différentes de mon individu mais la troisième espèce colle très bien ! Un expert à qui j’ai envoyé le spécimen confirme la détermination, aussi je sollicite la création de ce nouveau taxon pour l’Ile-de-France. Le site Oreina ne répertorie que deux observations de Phyllonorycter issikii pour la France, en 2007 et en 2015, toutes deux situées dans le quart nord-est. Cette espèce asiatique arrivée en Europe de l’Est vers 1970 est en progression rapide vers l’ouest.
Lorsque les infestations sont importantes, ce ravageur peut affaiblir les tilleuls au point de diminuer la teneur en sucre du nectar et peut avoir un impact négatif sur la production de bois. Mais la nature est bien faite, on lui connaît au moins 60 espèces de parasites dont beaucoup sont présents en Europe.
Femelles de microlépidoptères méconnues ou nouvelles, faune de France (Lepidoptera, Microptrigidae, Tineidae, Gracillariidae, Bedelliidae, Oecophoridae et Tortricidae) par Jacques Nel, Gilles Carcassès, Renè Celse & Thierry Varenne – article paru dans la Revue de l’Association Roussillonnaise d’Entomologie – 2024 – n°110 : 27 – 32
Sources :
De Prins, J. & De Prins, W. 2006-2022. Base de données taxonomique mondiale des Gracillariidae (Lepidoptera). Publication électronique sur le World Wide Web (http://www.gracillariidae.net) [25 09 2023]
Pour la finesse de leurs dessins, j’aime beaucoup les Phylonorycter, ces minuscules papillons de nuit dont les chenilles sont des mineuses de feuilles. J’ai obtenu celui-ci en battant des branches de fusain sous un grand chêne.
Le trait blanc dans l’axe de l’aile fait largement plus de la moitié de la longueur de l’aile, il s’agit de Phyllonorycter quercifoliella, une espèce inféodée aux chênes.
Un tout petit papillon est tombé d’une branche de chêne dans mon parapluie japonais. Je le transfère dans le bocaloscope.
Ses ailes présentes de bien belles zébrures. Comment faire une photo de profil ? Je l’invite au creux de ma main, il y reste aimablement quelques secondes, juste le temps d’une photo.
A l’aide de la galerie des Phyllonorycter dans Lepiforum, je repère l’espèce Phyllonorycter messaniella dont les chenilles minent les feuilles des chênes et des châtaigniers. Il existe une centaine d’espèces de Phyllonorycter en France. On peut chercher leurs mines sur les feuilles des noisetiers, des chênes, des platanes, des hêtres, des ormes, des charmes, des saules, ou même des scabieuses…
Retrouvez un autre Phyllonorycter qui mine les feuilles des platanes :
Délaissant pour une fois les noctuelles et les géomètres, je me suis intéressé aux papillons de nuit des autres familles.
Ce petit doré au joli dessin est un Crambidae. Sa chenille se nourrit dans les clairières et les friches sur la germandrée scorodoine (Teucrium scorodonia) et la ballote noire (Ballota nigra).
De la famille des Gracillariidae, Cameraria ohridella est la tristement célèbre mineuse du marronnier dont la chenille provoque de larges cloques brunes sur les feuilles de cet arbre.
Suspendu au plafond de la terrasse, Hypsopygia costalis me regarde à l’envers, l’abdomen redressé. Les chenilles de ce Pyralidae mangent du foin et des feuilles mortes.
Avec ses ailes aux marges brunes et ses pattes rougeâtres, voici Agonopterix nervosa, une espèce de la famille des Depressariidae, inféodée aux genêts et aux ajoncs. C’est l’une des 66 espèces d’Agonopterix recensées en France, et elle n’est pas souvent observée en Ile-de-France. Merci aux experts qui me l’ont identifiée !
Retrouvez d’autres papillons de nuit de ces familles :
Les microlépidoptères, malgré leur petite taille, ne sont pas sans charme. Voici un Gracillariidae bien contrasté, nommé Calybites phasianipennella, venu la nuit à la lumière.
Au matin, il a escaladé ma main avant de prendre son envol.
Les chenilles de cette espèce minent les feuilles des lysimaques et aussi des rumex et des renouées persicaires, avant d’en déformer le limbe en cornet pour se nymphoser.
L’espèce est présente ponctuellement un peu partout en France, elle a été notée une fois en Ile-de-France.
Le chemin de halage le long de la Seine au parc du peuple de l’herbe est une allée ombragée appréciée des promeneurs. Elle est bordée d’ormes, d’érables, de robiniers, de saules… Par endroits, les robiniers présentent ces taches blanches au contour digité sur leurs folioles. Peut-être les avez-vous vues ? Il ne s’agit pas d’une maladie mais de mines creusées par une petite chenille.
Voici la responsable : la chenille de Parectopa robiniella, un papillon de nuit de la famille des Gracillariidae. L’espèce est d’apparition toute récente en Ile-de-France : je n’ai pas connaissance d’observations antérieures à 2017. Ce microlépidoptère est originaire d’Amérique, il a débarqué en Italie en 1970. Il est désormais largement présent en Ile-de-France et ne paraît pas causer de dommages majeurs aux robiniers.